Des témoins

Benoît XVI avait repris le flambeau de successeur de Pierre au cours de l’année de l’Eucharistie décidée par Jean-Paul II. Il avait donné à cette année un ton qui lui est propre, notamment au cours du Congrès eucharistique italien. Le thème choisi était le suivant : « sans le dimanche nous ne pouvons pas vivre ». Benoît XVI rappelle que ces paroles furent prononcées par 49 habitants de Abitene, dans l’actuelle Tunisie. C’était en 304. L’empereur avait interdit le culte chrétien et ces 49 personnes furent surprises au moment de la célébration de l’Eucharistie. Arrêtées et torturées, ces chrétiens ne cessaient de proclamer :
« Sans la messe célébrée le jour du Seigneur nous ne pouvons pas vivre. Nous ne pouvons pas affronter les difficultés quotidiennes et résister aux tentations, sans l’Eucharistie ». Ils furent configurés au Christ par le martyre. Voilà le signe que nous donne notre cher Saint-Père pour approfondir le mystère eucharistique : celui du martyre.

Plus près de nous dans l’Histoire, le Card. François Xavier Nguyen van Thuan racontait sa messe durant ses 13 années de prison au Vietnam :

Cardinal François-Xavier Nguyen van Thuan

« Quand j’ai été arrêté, j’ai dû m’en aller tout de suite, les mains vides. Le lendemain on me permit d’écrire pour demander les choses les plus nécessaires : vêtements, dentifrice… J’ai écrit à mon destinataire : « S’il vous plaît pouvez-vous m’envoyer un peu de vin comme médicament contre les maux d’estomac ? » Les fidèles comprirent ce que cela voulait dire et ils m’envoyèrent une petite bouteille de vin pour la messe avec l’étiquette « Médicament contre les maux d’estomac » et des hosties dans un flacon étanche. Je ne pourrai jamais exprimer ma grande joie : chaque jour, avec trois gouttes de vin et une goutte d’eau dans le creux de ma main, je célèbre la messe. » (“J’ai suivi Jésus… un évêque témoigne”, Médiaspaul, Paris 1997, p. 40)
Ces témoignages nous sont donnés pour nous faire comprendre un peu mieux l’importance de l’Eucharistie qui prend toute sa signification dans le lien indissoluble entre le Cénacle et le Golgotha.

Un grand mystère

Il y a un point central de l’histoire de l’univers vers lequel tout converge et duquel tout repart. Ce point, c’est le sacrifice du Christ sur la Croix. La Pâque de Jésus, c’est à dire sa mort sur la croix et sa résurrection, est devenue l’axe spirituel de l’univers tout entier. C’est à ce moment en effet que l’humanité est délivrée du péché et de la mort et qu’elle reçoit en héritage le Royaume des Cieux. Jésus voulait donc mettre chaque personne, chacun, chacune d’entre nous, en contact direct avec le mystère de sa passion et de sa résurrection. Comme ces évènements eurent lieu il y a deux mille ans en un lieu particulier de notre terre – Jérusalem, il fallait trouver un moyen qui puisse rendre chaque génération, chaque peuple présents à ce grand mystère. C’est pourquoi Jésus a inventé l’Eucharistie. Ainsi, à chaque messe, nous sommes contemporains du mystère de la croix.

Entre la consécration du pain et celle du vin : « Ceci est mon Corps livré pour vous » « Ceci est mon Sang versé pour vous », il va se produire un contact immédiat entre nous et la Croix. A ce moment précis de la liturgie, nous sommes placés sous la Croix sanglante.

Nous sommes, avec Marie et Jean, au Golgotha pour recevoir les fruits de la passion du Christ. L’autel de nos églises est en quelque sorte la plénitude de la Croix ; la messe, c’est la Croix qui s’avance dans les siècles. Au cours des messes, la Croix se dilate sans se multiplier ; elle s’épanche sans se disperser ; elle se rend présente à tous les temps et tous les lieux, unifiant ainsi l’univers et le rassemblant sous son ombre. Elle ne se renouvelle pas tout en donnant des fruits nouveaux.

« Le Christ est immolé une seule fois en Lui-même, et pourtant Il est immolé chaque jour dans le sacrement » dit Saint Augustin (cité par St Thomas d’Aquin, S.Th. 111, q. 83 a1).

L’importance de la messe

On comprend alors pourquoi l’Eglise et les Saints insistent tellement sur la valeur de la messe. Les témoignages ne manquent pas. Saint Thomas d’Aquin disait : « La célébration de la messe est aussi puissante que la mort de Jésus sur la Croix ». Sainte Thérèse d’Avila, dans le langage de son époque, avait la même conscience : « Sans la messe, qu’adviendrait-il de nous ? Nous péririons tous car elle seule retient le bras de Dieu ». « Si le monde tient », dit un spirituel de notre temps, « c’est qu’il y a toujours, entre la terre et le ciel, une Hostie qui se lève en même temps que le soleil et qui crie : Père miséricorde ! Le Père entend son Fils bien-aimé, en qui Il a mis toutes  ses complaisances et Il l’écoute » Père D’Elbée, “Croire à l’Amour”, Pierre Téqui éditeur, Paris, 1990, p 268.

Et saint Padre Pio affirmait pour sa part qu’« il est plus facile au monde de survivre sans le soleil que sans le Saint-Sacrifice de la messe ». C’est aussi le témoignage personnel de Jean-Paul II : « Le prêtre est l’homme de l’Eucharistie. En presque 50 ans de sacerdoce, la célébration de l’Eucharistie continue à être pour moi le moment le plus important et le plus sacré. La conscience de célébrer à l’autel in persona Christi prédomine en moi. La sainte messe est de façon absolue, le centre de ma vie et de chacune de mes journées, elle se trouve au centre de la théologie du sacerdoce » ( Cité par l’Osservatore Romano, éd. en langue française, n° 46 du 14.11.1985, p 11-12).

La Présence réelle

Saint-Sacrement exposé à la chapelle d’Epinassey

L’Hostie, c’est Jésus en personne qui est là présent, sur l’autel. C’est le même Jésus qui est né à Bethléem, qui a vécu à Nazareth, qui a sillonné les routes de Galilée, de Judée et de Samarie, le même qui est mort à Jérusalem et qui est ressuscité d’entre les morts.

C’est l’Unique Jésus, fils de Dieu et fils de Marie qui est présent sous les apparences du Pain et du Vin. Après la consécration, il n’y a plus de pain, il n’y a plus de vin, mais Jésus, avec toute son humanité et toute sa divinité qui demeure vivant au Saint-Sacrement de l’autel.

C’est un miracle bouleversant d’amour et de simplicité. La théologie a donné un nom à ce grand miracle : c’est la transsubstantiation.
Tous les sacrements sont des canaux par lesquels la grâce nous est communiquée, c’est-à-dire la vie de Dieu. Le sacrement de l’Eucharistie se distingue cependant des autres sacrements dans la mesure où il contient réellement l’Auteur de la grâce. Dans l’Eucharistie, il ne s’agit plus d’un canal d’approvisionnement pourrait-on dire ; c’est la Source même d’où jaillit la grâce qui est là, présente : Jésus en personne.

Le fruit de l’Eucharistie

Le fruit propre de la communion eucharistique, c’est la croissance de la vertu de charité en nos âmes. Le sacrement de l’Eucharistie, donné sous forme de nourriture, a donc, dans nos âmes, les mêmes effets spirituels que le pain et le vin produisent physiquement dans notre corps. Le pain soutient le corps, l’Eucharistie soutient l’âme. Elle fortifie notre vie d’union de charité avec Dieu, éloignant les démons qui tremblent en voyant en nous Celui qui l’a vaincu. L’Eucharistie diminue en notre âme le foyer d’égoïsme, d’orgueil et de corruption.Le pain répare les forces du corps, l’Eucharistie, celles de l’âme. La messe et la Communion compensent et couvrent devant Dieu nos offenses, nos indélicatesses et nos ingratitudes.

Elles consument les négligences des fautes vénielles. Mais elle vise aussi à nous rendre plus vigilants, plus attentifs à faire plaisir à notre doux Sauveur et à servir les autres dans le don gratuit de soi-même. Le pain accroît la vie du corps, l’Eucharistie, celle de l’âme. L’Eucharistie est donc particulièrement le sacrement de la croissance spirituelle. La vie de la Sainte Trinité croît dans notre âme à chaque communion avec une croissance de grâce et de charité.
Enfin, le pain réjouit notre corps, l’Eucharistie réjouit l’âme et la comble de délices spirituels qui ne lassent jamais notre goût. Qui rentre dans cette vie intérieure d’intimité avec Jésus-Hostie, découvre toujours plus cette paix et cette joie qui sont les fruits de l’amour de Dieu.

La mission

L’Eucharistie nous met en mission. St Jean ne nous rapporte pas le récit de l’institution de l’Eucharistie dans son Evangile mais le récit du lavement des pieds. L’Eucharistie nous pousse au service, comme le Christ s’est fait serviteur. L’Eucharistie nous oblige à reconnaître le visage du Jésus sous les apparences du pain et de vin, comme elle nous oblige à le reconnaître sous le visage du frère, de la sœur. Enfin, l’Eucharistie nous pousse à l’Evangélisation. Comment ne pas proclamer sur les toits le nom de Celui qui demeure au milieu de nous de manière à la fois si discrète et si puissante.

« L’Eglise pourrait-elle réaliser sa propre vocation sans cultiver une relation constante avec l’Eucharistie, sans se nourrir de cet aliment qui sanctifie, sans s’appuyer sur ce soutien indispensable à son action missionnaire ? Pour évangéliser le monde, il faut des apôtres ” experts ” en célébration, en adoration et en contemplation de l’Eucharistie. »  (Jean-Paul II, journée mondiale de la mission 2004).